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Puisqu’en sa dureté son lâche cœur demeure,
M Soeur, il ne sait point qu’il faudra que j’en meure.
Vous avez oublié de bien marquer l’horreur
Du fatal désespoir qui règne dans mon cœur.
Vous avez oublié pour bien peindre ma rage,
D’assembler tous ses maux dont on connoît l’image ;
Il y seroit sensible, et ne pourroit souffrir
Que qui sauva ses jours fût forcée à mourir.

PHÈDRE.

Si vous saviez pour vous ce qu’a fait ma tendresse,
Vous soupçonneriez moins…

ARIANE.

J’ai tort, je le confesse ;
Mais dans un mal, sous qui la constance est à bout,
On s’égare, on s’emporte, et l’on s’en prend à tout.

PIRITHOÜS.

Madame, de ces maux à qui la raison cède,
Le temps qui calme tout est l’unique remède.
C’est par lui seul…

ARIANE.

Les coups n’en sont guère importants,
Quand on peut se résoudre à s’en remettre au temps.
Thésée est insensible à l’ennui qui me touche,
Il y consent ; je veux l’apprendre de sa bouche.
Je l’attendrai, ma Soeur, qu’il vienne.

PIRITHOÜS.

Je crains bien
Que vous ne vous plaigniez de ce triste entretien.
Voir un ingrat qu’on aime, et le voir inflexible,
C’est de tous les ennuis l’ennui le plus sensible,
Vous en souffrirez trop, et pour peu de souci…

ARIANE.

Allez, ma Soeur, de grâce, et l’envoyez ici.