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Ou plutôt j’ai senti tout mon cœur s’enflammer,
Avant que de savoir si je voulois aimer.
Mais si ce feu trop prompt n’eut rien de volontaire,
Il dépendoit de moi de parler, ou me taire.
J’ai parlé, c’est mon crime, et Thésée applaudi
À l’infidélité par là s’est enhardi.
Ah, qu’on se défend mal auprès de ce qu’on aime !
Ses regards m’expliquoient sa passion extrême ;
Les miens à la flatter s’échappoient malgré moi,
N’étoient-ce pas assez pour corrompre sa foi ?
J’eus beau vouloir régler son âme trop charmée,
Il fallut voir sa flamme, et souffrir d’être aimée ;
J’en craignis le péril, il me sut éblouir.
Que de foiblesse ? Il faut l’empêcher d’en jouir,
Combattre incessamment son infidèle audace.
Allez, Pirithoüs, revoyez-le, de grâce.
De peur qu’en mon amour il prenne trop d’appui,
Ôtez-lui tout espoir que je puisse être à lui ;
J’ai déjà beaucoup dit, dites-lui plus encore.

PIRITHOÜS.

Nous avancerions peu, Madame, il vous adore
Et quand pour l’étonner à force de refus,
Vous vous obstineriez à ne l’écouter plus,
Son âme toute à vous n’en seroit pas plus prête
À suivre d’autres lois, et changer de conquête.
Quoi que le coup soit rude, achevons de frapper.
Pour servir Ariane il faut la détromper ;
Il faut lui faire voir qu’une flamme nouvelle
Ayant détruit l’amour que Thésée eut pour elle,
Sa sûreté l’oblige à ne pas dédaigner
La gloire d’un hymen qui la fera régner.
Le Roi l’aime, et son Trône est pour elle un asile.

PHÈDRE.

Quoi, je la trahirois, elle qui trop facile,
Trop aveugle à m’aimer, se confie à ma foi,
Pour toucher un Amant qui la quitte pour moi ?