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ARIANE.

Qui ? Moi les suivre ? Moi, qui voudrois pour Thésée
À cent et cent périls voir ma vie exposée ?
Dieux ! Quel étonnement seroit au mien égal,
S’il savoit qu’un Ami parlât pour son Rival ?
S’il savoit qu’il voulût lui ravir ce qu’il aime ?

PIRITHOÜS.

Vous le consulterez, n’en croyez que lui-même.

ARIANE.

Quoi, si l’offre d’un Trône avoit pu m’éblouir,
Je lui demanderois si je dois le trahir,
Si je dois l’exposer au plus cruel martyre
Qu’un amant…

PIRITHOÜS.

Je n’ai dit que ce que j’ai dû dire.
Vous y penserez mieux, et peut-être qu’un jour
Vous prendrez un peu moins le parti de l’Amour.
Adieu, Madame.

ARIANE.

Il dit ce qu’il faut qu’il me dise !
Demeurez, avec moi c’est en vain qu’on déguise.
Vous en avez trop dit pour ne me pas tirer
D’un doute dont mon cœur commence à soupirer ;
J’en tremble, et c’est pour moi la plus sensible atteinte.
Éclaircissez ce doute, et dissipez ma crainte,
Autrement je croirai qu’une nouvelle ardeur
Rend Thésée infidèle, et me vole son coeur ;
Que pour un autre Objet, sans souci de sa gloire…

PIRITHOÜS.

Je me tais, c’est à vous à voir ce qu’il faut croire.

ARIANE.

Ce qu’il faut croire ? Ah Dieux ! Vous me désespérez,
Je verrois à mes vœux d’autres vœux préférés ?
Thésée à me quitter… Mais quel soupçon j’écoute ?
Non, non, Pirithoüs, on vous trompe sans doute.
Il m’aime ; et s’il m’en faut séparer quelque jour,
Je pleurerai sa mort, et non pas son amour.