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Scène II


OEnarus, Ariane, Nérine

OENARUS.

Ne vous offensez point, Princesse incomparable,
Si prêt à succomber au malheur qui m’accable.
Pour la dernière fois j’ai tâché d’obtenir
La triste liberté de vous entretenir.
Je la demande entière, et quoi que puisse dire
Ce feu qui malgré vous prend sur moi trop d’empire,
Vous pouvez sans scrupule en voir mon cœur atteint,
Quand pour prix de mes maux je ne veux qu’être plaint.

ARIANE.

Je connois tout l’amour dont votre âme est éprise.
Son excès m’a souvent causé de la surprise,
Et vous ne direz rien que mon cœur interdit
Pour vous-même avant vous ne se soit déjà dit.
Tant d’ardeur méritoit que ce cœur plus sensible
À l’offre de vos vœux ne fût pas inflexible,
Que d’un si noble hommage il se trouvât charmé ;
Mais quand je vous ai vu, Thésée étoit aimé ;
Vous savez son mérite, et le prix qu’il me coûte.
Après cela, Seigneur, parlez, je vous écoute.

OENARUS.

Thésée a du mérite, et je l’ai dit cent fois,
Votre amour eût eu peine à faire un plus beau choix.
Partout sa gloire éclate, on l’estime, on l’honore,
Il vous aime, ou plutôt, Madame, il vous adore.
Vous le dire à toute heure est son soin le plus doux ;
Et qui pourroit moins faire étant aimé de vous ?
Après cette justice à sa flamme rendue,
La mienne par pitié sera-t-elle entendue ?