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À quoi que leur malice ait pu se dispenser,
Leur appui leur est sûr, ils ont vu grimacer.
Ah ! Combien j’en connois qui par ce stratagème,
Après avoir vécu dans un désordre extrême,
S’armant du bouclier de la Religion,
Ont rhabillé sans bruit leur dépravation,
Et pris droit, au milieu de tout ce que nous sommes,
D’être sous ce manteau les plus méchants des Hommes.
On a beau les connoître, et savoir ce qu’ils sont,
Trouver lieu de scandale aux intrigues qu’ils ont,
Toujours même crédit. Un maintien doux, honnête,
Quelques roulements d’yeux, des baissements de tête,
Trois ou quatre soupirs mêlés dans un discours,
Sont pour tout rajuster d’un merveilleux secours
C’est sous un tel abri qu’assurant mes affaires,
Je veux de mes Censeurs duper les plus sévères.
Je ne quitterai point mes pratiques d’amour,
J’aurai soin seulement d’éviter le grand jour,
Et saurai, ne voyant en public que des Prudes,
Garder à petit bruit mes douces habitudes.
Si je suis découvert dans mes plaisirs secrets,
Tout le corps en chaleur prendra mes intérêts,
Et sans me remuer, je verrai la cabale
Me mettre hautement à couvert du scandale.
C’est là le vrai moyen d’oser impunément
Permettre à mes désirs un plein emportement.
Des actions d’autrui je ferai le critique,
Médirai saintement, et d’un ton pacifique,
Applaudissant à tout ce qui sera blâmé,
Ne croirai que moi seul digne d’être estimé.
S’il faut que d’intérêt quelque affaire se passe,
Fût-ce veuve, orphelin, point d’accord, point de grâce,
Et pour peu qu’on me choque, ardent à me venger,
Jamais rien au pardon ne pourra m’obliger.
J’aurai tout doucement le zèle charitable
De nourrir une haine irréconciliable ;
Et quand on me viendra porter à la douceur,
Des intérêts du Ciel je ferai le vengeur.