Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/537

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et que ne vous pouvant conserver pour Époux,
J’éteins la folle ardeur qui m’attachoit à vous.
Non qu’un juste remords l’étouffe dans mon âme,
Jusques à n’y laisser aucun reste de flamme ;
Mais ce reste n’est plus qu’un amour épuré.
C’est un feu dont pour vous mon cœur est éclairé,
Un feu purgé de tout, une sainte tendresse,
Qu’au commerce des sens nul désir n’intéresse,
Qui n’agit que pour vous.

Sganarelle

Ah !

Dom Juan

Tu pleures, je crois,
Ton cœur est attendri.

Sganarelle

Monsieur, pardonnez-moi.

Elvire

C’est ce parfoit amour qui m’engage à vous dire
Ce qu’aujourd’hui le Ciel pour votre bien inspire,
Le Ciel dont la bonté cherche à vous secourir,
Prêt à choir dans l’abîme où je vous vois courir.
Oui, Dom Juan, je sais par quel amas de crimes
Vos peines qu’il résout lui semblent légitimes,
Et je viens de sa part vous dire que pour vous
Sa clémence a fait place à son juste courroux ;
Que las de vous attendre, il tient la foudre prête,
Qui depuis si longtemps menace votre tête ;
Qu’il est encor en vous, par un prompt repentir
De trouver les moyens de vous en garantir,
Et que pour éviter un malheur si funeste,
Ce jour, ce jour peut-être est le seul qui vous reste.

Sganarelle

Monsieur !

Elvire

Pour moi, qui lors de mon aveuglement,
Je n’ai plus pour la terre aucun attachement.
Ma retraite est conclue, et c’est là que sans cesse
Mes larmes tâcheront d’effacer ma foiblesse,