Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/499

Cette page n’a pas encore été corrigée
Dom Juan

Et qu’as-tu répondu ?

Sganarelle

Moi ?

Dom Juan

Tu t’es trouvé pris ?

Sganarelle

Pas trop. Sans m’étonner, de l’habit que je porte
J’ai soutenu l’honneur, et raisonné de sorte,
Que sur mon ordonnance aucun d’eux n’a douté
Qu’il n’eût entre les mains un trésor de santé.

Dom Juan

Et comment as-tu pu bâtir tes ordonnances ?

Sganarelle

Ma foi, j’ai ramassé beaucoup d’impertinences.
Mêlé café, opium, rhubarbe, et coetera.
Tout par drachme, et le mal aille comme il pourra.
Que m’importe ?

Dom Juan

Fort bien. Ce que tu viens de dire
Me réjouit.

Sganarelle

Et si, pour vous faire mieux rire,
Par hasard (car enfin quelquefois, que sait-on ?)
Mes malades venoient à guérir ?

Dom Juan

Pourquoi non ?
Les autres médecins que les sages méprisent,
Dupent-ils moins que toi dans tout ce qu’ils nous disent,
Et pour quelques grands mots que nous n’entendons pas,
Ont-ils aux guérisons plus de part que tu n’as.
Crois-moi, tu peux comme eux, quoi qu’on s’en persuade,
Profiter, s’il advient, du bonheur du malade,
Et voir attribuer au seul pouvoir de l’art,
Ce qu’avec la nature aura fait le hasard.