Cet amour est bien prompt, je l’avouerai ; mais quoi ?
Vos beautés tout d’un coup ont triomphé de moi,
Et je vous aime autant, Charlote, en un quart d’heure,
Qu’on aimeroit une autre en six mois.
Oui ?
Je meure,
S’il n’est rien de plus vrai.
Monsieur, je voudrois bien
Que ça fût tout com’ça, car vous n’me dites rien
Qui n’me fasse assé z’aise, et j’aurois bien envie
De n’vous mécroire point, mais j’ai toute ma vie
Entendu dire à ceux qui savont bien s’que c’est,
Qu’i n’est point de Monsieus qui ne soient toujou prêt
À tromper queuque fille, à moins qu’al n’y regarde.
Suis-je de ces gens-là ? Non Charlote.
Il n’a garde.
Le temps vous fera voir comme j’en veux user.
Aussi je n’voudrois pas me laisser abuser.
Voyez-vous, si j’sis pauvre et native au village,
J’ai d’l'honneur tout autant qu’on en ait à mon âge ;
Et pour tout l’or du monde on n’me pourroit tenter,
Si j’pensois qu’en m’aimant l’en me l’voulût ôter.
Je voudrois vous l’ôter, moi ? Ce soupçon m’offense.
Croyez que pour cela j’ai trop de conscience,
Et que si vos appas m’ont su d’abord charmer,
Ce n’est qu’en tout honneur que je vous veux aimer.
Pour vous le faire voir, apprenez que dans l’âme
J’ai formé le dessein de vous faire ma femme.
J’en donne ma parole, et pour vous au besoin
L’homme que vous voyez en sera le témoin.