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Et que je ne pouvois en éviter les peines,
Qu’en tâchant de vous rendre à vos premières chaînes,
N’en doutez point ; voilà, quoi qu’avec mille ennuis,
Et pourquoi je m’éloigne, et pourquoi je vous fuis.
Par un frivole amour, voudriez-vous, madame,
Combattre le remords qui déchire mon âme,
Et qu’en vous retenant, j’attirasse sur nous
Du Ciel toujours vengeur l’implacable courroux ?

Elvire

Ah ! Scélérat, ton cœur aussi lâche que traître,
Commence tout entier à se faire connoître
Et ce qui me confond dans tout ce que j’attends,
Je le connois enfin lorsqu’il n’en est plus temps.
Mais sache, à me tromper quand ce cœur s’étudie,
Que ta perte suivra ta noire perfidie,
Et que ce même Ciel, dont tu t’oses railler,
À me venger de toi voudra bien travailler.

Sganarelle, à part

Se peut-il qu’il résiste, et que rien ne l’étonne !

 
À Dom Juan.

Monsieur…

Dom Juan

De fausseté je vois qu’on me soupçonne.
Mais Madame…

Elvire

Il suffit, je t’ai trop écouté.
En ouïr davantage est une lâcheté,
Et quoi qu’on ait à dire, il faut qu’on se surmonte,
Pour ne se faire pas trop expliquer sa honte.
Ne te figure point qu’en reproches en l’air
Mon courroux contre toi veuille ici s’exhaler.
Tout ce qu’il peut avoir d’ardeur, de violence,
Se réserve à mieux faire éclater ma vengeance.
Je te le dis encor, le Ciel armé pour moi
Punira tôt ou tard ton manquement de foi ;
Et si tu ne crains point sa justice blessée,
Crains du moins la fureur d’une femme offensée.

Elle sort avec Gusman, et Dom Juan la regarde partir.