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Que si de son secret j’ai lieu de m’offenser,
Vous avez craint les pleurs qu’il m’auroit fait verser
Qu’ici d’un long séjour ne pouvant vous défendre,
Je n’ai qu’à vous quitter, et vous aller attendre ;
Que vous me rejoindrez avec l’empressement,
Qu’a pour ce qu’il adore un véritable amant,
Et qu’éloigné de moi, l’ardeur qui vous enflamme
Vous rend ce qu’est un corps séparé de son âme ?
Voilà par où du moins vous me feriez douter,
D’un oubli que mes feux devroient peu redouter

Dom Juan

Madame, puisqu’il faut parler avec franchise,
Apprenez ce qu’en vain mon trouble vous déguise.
Je ne vous dirai point que mes empressements
Vous conservent toujours les mêmes sentiments,
Et que loin de vos yeux, ma juste impatience
Pour le plus grand des maux me fait compter l’absence.
Si j’ai pu me résoudre à fuir, à vous quitter,
Je n’ai pris ce dessein que pour vous éviter.
Non que mon cœur encor, trop touché de vos charmes,
N’ait le même penchant à vous rendre les armes ;
Mais un pressant scrupule à qui j’ai dû céder,
M’ouvrant les yeux de l’âme a su m’intimider,
Et fait voir qu’avec vous, quelque amour qui m’engage,
Je ne puis, sans péché, demeurer davantage.
J’ai fait réflexion que pour vous épouser,
Moi-même trop longtemps j’ai voulu m’abuser ;
Que je vous ai forcée à faire au Ciel l’injure
De rompre en ma faveur une sainte clôture,
Où par des veux sacrés vous aviez entrepris
De garder pour le monde un éternel mépris.
Sur ces réflexions, un repentir sincère
M’a fait appréhender la céleste colère.
J’ai cru que votre hymen trop mal autorisé,
N’étoit pour tous les deux qu’un crime déguisé,