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Sganarelle

D’accord.
On ne peut rien de mieux, et s’il osoit s’en plaindre,
Il auroit tort, mais…

Dom Juan

Quoi ?

Sganarelle

Ses parents sont à craindre.

Dom Juan

Laissons-là tes frayeurs, et songeons seulement
À ce qui me peut faire un destin tout charmant.
Celle qui me réduit à soupirer pour elle,
Est une fiancée aimable, jeune, belle,
Et conduite en ces lieux où j’ai suivi ses pas,
Par l’heureux, à qui sont destinés tant d’appas.
Je la vis par hasard, et j’eus cet avantage,
Dans le temps qu’ils songeoient à faire leur voyage.
Il faut te l’avouer. Jamais jusqu’à ce jour
Je n’ai vu deux amants se montrer tant d’amour.
De leurs cœurs trop unis la tendresse visible,
Me frappant tout à coup, rendit le mien sensible,
Et les voyant céder aux transports les plus doux,
Si je devins amant, je fus amant jaloux.
Oui, je ne pus souffrir sans un dépit extrême,
Qu’ils s’aimassent autant que l’un et l’autre s’aime.
Ce bizarre chagrin alluma mes désirs ;
Je me fis un plaisir de troubler leurs plaisirs,
De rompre adroitement l’étroite intelligence,
Dont mon cœur délicat se faisoit une offense.
N’ayant pu réussir, plus amoureux toujours,
C’est au dernier remède enfin que j’ai recours.
Cet époux prétendu, dont le bonheur me blesse,
Doit aujourd’hui sur mer régaler sa maîtresse.
Sans t’en avoir rien dit, j’ai dans mes intérêts
Quelques gens qu’au besoin nous trouverons tout prêts.
Ils auront une barque, où la belle, enlevée,
Rendra de mon amour la victoire achevée

Sganarelle

Ah ! Monsieur.

Dom Juan

Heu !