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THÉODAT.

Hélas ! que je tiendrois mon sort digne d’envie,
Si j’avois seulement à craindre pour ma vie !
Mais, Madame, elle sait que votre cœur touché
À ses rigueurs pour moi s’est enfin arraché ;
Qu’à mon timide espoir cessant d’être contraire,
Vous soufrez que ma foi…

ILDEGONDE.

Comment l’avoir pu taire ?
J’apprenois votre mort, et de pareils malheurs
Demandoient mon secret aussi bien que mes pleurs.

THÉODAT.

Heureux, et doux abus ! que j’y trouve de charmes !
Ah, puis que mon amour a mérité vos larmes,
Cessez d’avoir l’esprit de mon sort effrayé,
Laissez verser mon sang, ce sang est trop payé.
Mais ce qui me confond, je tremble que la Reine
Me connoissant aimé, ne partage sa haine,
Et que pour me porter de plus terribles coups,
Sa jalouse fureur ne s’étende sur vous.
Sauvez-moi de l’abîme où ce soupçon me jette,
Il est des rois voisins chez qui trouver retraite,
Des rois de qui l’appui par un heureux secours…

ILDEGONDE.

Moi, fuir, Prince ?

THÉODAT.

Il le faut ou c’est fait de vos jours.
Songez pour un amant quel sort épouvantable
De voir sacrifier tout ce qu’il trouve aimable ;
Le seul pressentiment m’en fait pâlir d’effroi.
Madame, s’il est vrai…