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Plus de chef, plus d’audace ; il est quelques Complices
Dont je puis à loisir ordonner les supplices.
Mais quelle émotion agite votre cœur ?
Un peu de sang versé vous fait-il tant de peur ?
Pour goûter pleinement le fruit de ma vengeance,
Voyez de votre amour qu’elle fait l’assurance,
Et libre à disposer de vos vœux les plus doux,
Jouissez d’un plaisir qu’elle n’offre qu’à vous.
Qu’un bien si précieux vous la doit rendre chère !

ILDEGONDE.

Vous la connoissez mal, goûtez-la toute entière,
Et puis que votre rage en chérit tant l’appas,
Voyez-y des douceurs que vous n’attendiez pas.
Ne vous imputez point un crime détestable ;
Si Théodat est mort, j’en suis seule coupable,
Votre haine à sa perte a peu contribué,
Par vous, par vos fureurs, c’est moi qui l’ai tué.
C’est moi qui vous immole une tête si chère.

AMALASONTE.

Ciel ! Que me dites-vous ?

ILDEGONDE.

Ce qu’il ne faut plus taire.
Malgré tout mon orgueil Théodat fut mon choix,
Hier je m’en expliquai pour la première fois,
Il sut que je l’aimois, et cette connoissance
Rendant à son amour toute sa violence,
Ni votre cœur offert, ni le titre de roi,
Ne purent obtenir qu’il renonçât à moi.
Il suivit de son feu l’emportement funeste,
Combattit mon hymen. Vous avez fait le reste,
Et son sang répandu, lors qu’il ne craignoit rien,
En vengeant votre amour, désespère le mien.
Pardonne, Théodat, à ma jalouse envie.
Ma fierté fit toujours le malheur de ta vie,
Et par un surprenant et déplorable sort,
Pour s’être démentie, elle cause ta mort.