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Il n’aura plus d’obstacle à ce grand hyménée.

ILDEGONDE.

Se pourroit-il…

AMALASONTE.

J’en ai l’âme encor étonnée.
J’aimois, et ce n’est pas sans trouble, sans horreur,
Que l’amour indigné se porte à la fureur ;
Mais il y va du trône, on m’avoit outragée,
Ma gloire en murmuroit, et je me suis vengée ;
Trouble, désordre, horreur, tout est doux à ce prix.

ILDEGONDE.

Sans doute Théodat…

AMALASONTE.

Vous l’auroit-on appris ?
Oui, Princesse, à la joie abandonnez votre âme,
Théodat ne vit plus.

ILDEGONDE.

Théodat… Quoi, Madame…

AMALASONTE.

Deux des siens dès longtemps m’avoit vendu leur foi,
Comblez de mes bienfaits ils étoient tout à moi,
Et par eux cette nuit ma vengeance assouvie
M’a de ce nouveau roi sacrifié la vie.
Sans bruit et sans lumière ils ont pris le moment
De se pouvoir couler dans son appartement,
Et tandis qu’à la mort le sommeil l’abandonne,
Ils suivent à l’envi l’ordre que je leur donne.
Percé des premiers coups, Théodat, mais trop tard,
Tâche de l’un des deux à saisir le poignard.
Soudain chacun redouble, il se débat, s’élance,
Et puis qu’il faut périr, fait tout pour sa vengeance ;
Mais dans cet instant même, après un cri confus,
Sans force, sans parole, il tombe, et ne vit plus.
Le jour dont la clarté découvre l’entreprise,
Fait déjà succéder la plainte à la surprise,
On me soupçonnera, mais contre les Mutins
Une rigueur si prompte assure nos destins.