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Déjà, sans respecter le sang qui m’a fait naître,
Mes perfides sujets le demandent pour maître.
Aux honneurs de mon rang j’osois le destiner,
Il est vrai, mais l’Amour le devoit couronner,
Et de ce trône offert, quand ma gloire est arbitre,
Pour y pouvoir prétendre il n’a plus aucun titre.
Ne considérons point ce qu’il m’en peut coûter,
Mettons-nous hors d’état de le plus redouter,
Ôtons aux Factieux l’appui qu’ils s’en promettent.

GEPILDE.

Voyez mieux les périls où ces transports vous jettent,
Madame, et quels malheurs suivirent autrefois
Ce sang donné par vous à la rigueur des lois.
Pour vouloir prévenir de légères tempêtes,
Votre crainte à l’État immola quelques testes,
Et le feu qu’alluma cette sévérité
Ne souffrit plus d’obstacle à sa rapidité.
Ce vaste embrasement s’éteignit avec peine.

AMALASONTE.

J’ai joui de l’exemple, on vit que j’étois reine,
Et depuis ces rigueurs que je crûs me devoir,
Mes seules volontés ont réglé mon pouvoir.
Théodat trop longtemps en fut dépositaire,
Il peut en abuser, sa mort est nécessaire.
Si de mes feux trompés le jaloux intérêt
N’ose contre l’Ingrat en prononcer l’arrêt,
L’entière violence où le Peuple s’apprête
Est un crime pour lui qui demande sa tête.
Vengeons l’honneur du trône, et ses droits violés,
Son sang me doit payer les cœurs qu’il m’a volés.
C’est par là…Mais pourquoi m’y résoudre avec peine ?
Quel est ce trouble ? Quoi, lâche et et peu fière Reine,
Ta gloire par ta flamme ayant pu s’affaiblir,
Tu trembles au moment qu’il la faut rétablir ?
Ah, quand sur toi l’amour a pris ce dur empire,
Que tu t’es lâchement résolue à le dire,