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D’un criminel éclat épargnez-moi l’audace,
Pour la dernière fois je vous demande grâce.
Si vous voulez ma mort, frappez à votre gré,
Tout mon sang est à vous, je vous l’ai consacré,
Et je puis à vos pieds le voir couler sans peine,
Si le triste spectacle en doit plaire à ma Reine ;
Mais ne m’exposez point par cet hymen affreux
À tout ce que peut craindre un Amant malheureux ;
Je frémis de l’idée, et sens qu’elle m’accable,
Le supplice est trop grand, je ne suis point capable,
Et pour me retenir, à moi-même suspect,
Je vois que ce n’est point assez que mon respect.

AMALASONTE.

Achève, achève, Ingrat, de te montrer sensible,
Le coup que je t’apprête en sera plus terrible.
Que n’a pu ta Princesse aujourd’hui s’enflammer,
T’avoir dit qu’elle peut, qu’elle songe à t’aimer !
Le plaisir de t’ôter par ce triste hyménée
Une main qui sans moi t’aurois été donnée,
D’un transport si charmant tiendroit mon cœur frappé,
Qu’il se croiroit heureux d’avoir été trompé.
Mais n’importe, Ildegonde a charmé ta confiance,
Tu l’aimes, c’est assez pour goûter ma vengeance,
Elle ne peut par là manquer pour moi d’appas,
Je vois qu’elle te tue, et j’y cours de ce pas.

THÉODAT.

Et moi, puis que mes maux touchent si peu votre âme,
Je jure par le Ciel… Vous m’y forcez, Madame,
Quelque éclat où m’emporte un désespoir jaloux,
Je m’échappe à regret, n’en accusez que vous.
Quand je ferme les yeux sur ce que je hasarde,
Honoric en triomphe, il peut y prendre garde.
Oui, s’il faut qu’Honoric… Madame, sauvez-moi
Du péril de manquer à ce que je vous dois ;
Ma raison dont le trouble étonne mon courage,
Ne peut plus…

AMALASONTE.

Viens au Temple en recouvrer l’usage ;