Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/419

Cette page n’a pas encore été corrigée
AMALASONTE.

Vous vous empressez fort à répondre pour elle ?

THÉODAT.

Hé bien, puis qu’en mon cœur vous lisez malgré moi,
Je tremble, je l’avoue, à voir donner sa foi.
On le sait, autrefois j’en eus l’âme charmée,
Je lui vouai mes soins, et je l’ai trop aimée,
Pour ne pas m’emporter contre ce choix fatal
Qui la met tout-à-coup dans les bras d’un Rival.
S’il me faut quelque jour essuyer l’amertume,
Soufrez qu’à ce supplice au moins je m’accoutume,
Qu’à la raison le temps m’aide enfin à céder,
C’est ce qu’à ma douleur vous pouvez accorder.
Toute injuste qu’elle est, daignez lui faire grâce.

AMALASONTE.

J’ai laissé le cours libre à sa première audace ;
Mais à l’examiner, pour être sans espoir,
Cette douleur sur vous a beaucoup de pouvoir.
Madame, je l’ai dit, je ne contrains personne,
Votre cœur est à vous, voyez ce qu’il ordonne ;
Et quelques sentiments qui lui soient inspirés,
Suivez les, j’en croirai ce que vous me direz.
Mais ne me dites rien dont votre âme incertaine
Trouve à se repentir, ou se fasse une peine,
Répondez mieux de vous que n’a fait Théodat.

ILDEGONDE.

De ses emportements je condamne l’éclat ;
Et quoi qu’ils soient pour moi, ma gloire m’a dû mettre
Au dessus des soupçons qu’on s’en pourroit permettre.
J’ai promis (et veux bien l’avouer devant tous)
D’accepter Honoric, s’il m’obtenoit de vous.
Ainsi, Madame, en vain Théodat s’autorise
À croire que mon cœur avec moi se déguise.
S’il faut aller au Temple, allons-y de ce pas,
J’en vais attendre l’ordre.