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Moi touchée ? Et comment le pourriez-vous prétendre ?
Par quel constant effort avez-vous mérité
Que j’eusse pour vos feux tant de crédulité ?
La Reine, dont sitôt votre âme fut charmée…
Non, Théodat, jamais vous ne m’avez aimée.

THÉODAT.

Ah, si votre injustice a pu le présumer,
Dites-moi donc comment il vous falloit aimer,
Est-il voeux, soins, devoirs, complaisances, services
Dont vous n’avez reçu les tendres sacrifices ?
Plutôt que me résoudre à voir mes feux éteints…

ILDEGONDE.

Vous en êtes le maître, est-ce que je m’en plains ?

THÉODAT.

Ne vous repentez point, s’il se peut, de le faire,
Et m’accordez de grâce, un moment de colère.
C’est ce que j’attendois, quand mon cœur étonné
Pour la Reine à vos yeux s’est feint passionné.
Mais de ce faux amour j’ai cherché l’apparence,
Sans que vous ayez pu vous en faire une offense.
Vous ne m’avez montré ni chagrin, ni dépit,
Marqué rien qui parût…

ILDEGONDE.

Je vous en ai trop dit.

THÉODAT.

Vous m’en avez trop dit ! Vous ?

ILDEGONDE.

Oui, trop ; mais qu’importe ?
Il est beau, Théodat, que le Trône l’emporte,
Que vous n’ayez rien vu…

THÉODAT.

Non, Madame, jamais
Le moindre ennui de vous n’a flatté mes souhaits.
Toujours du même esprit à ma perte animée…

ILDEGONDE.

Et n’ai-je pas souffert qu’Honoric m’ait aimée ?