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ILDEGONDE.

Mais cependant tu vois qu’il brûle pour la Reine,
Ma douleur s’en réveille, et je n’y puis penser,
Sans voir combien ma gloire a lieu de s’offenser,
Et me faire aussitôt, en songeant qu’il me quitte,
Un reproche honteux de mon peu de mérite.
S’il l’eut vu tel, hélas ! que l’a crû ma fierté,
Le dépit contre moi ne l’eut point révolté,
Il eut crû son amour plutôt que sa colère.

VALMIRE.

Que vouliez-vous qu’il fit ? Il ne pouvoit vous plaire.

ILDEGONDE.

Que l’ardeur de ses soins combattît mes froideurs,
Qu’il souffrit, ou du moins qu’il n’aimât point ailleurs ;
Son cœur pour d’autres yeux devoit être invincible.

VALMIRE.

Mais vous seriez toujours demeurée insensible.

ILDEGONDE.

Je l’avoue, et sans doute encor même aujourd’hui,
S’il n’avoit rien aimé, je la serois pour lui ;
Ce n’est que le chagrin de cette préférence
Qui m’inspire un amour dont mon orgueil s’offense.
Ah, si tu connoissois à quels sensibles coups
Nous expose un amant révolté malgré nous,
Et ce que fait souffrir la disgrâce fatale
De voir passer son bien aux mains d’une Rivale !

VALMIRE.

Si ce supplice est tel, je l’aurois prévenu,
Le cœur de Théodat vous étoit trop connu ;
Et lors que par ses soins redoublés pour la Reine
Il vous fit soupçonner cet amour qui vous gêne,
Vos regards adoucis n’auroient pas eu d’abord,
Pour vous le ramener, besoin de grand effort.

ILDEGONDE.

Moi, pour tout le repos qu’il faudra qu’il m’en coûte,
J’aurois de mon orgueil laissé le moindre doute !