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VALMIRE.

Il semble cependant que votre cœur soupire ?
Apprenez-m’en la cause.

ILDEGONDE.

Et comment te la dire,
Puis que loin qu’avec toi j’ose me déclarer,
Moi-même, s’il se peut, je la veux ignorer ?

VALMIRE.

Quoi que vous vous taisiez, je vois ce qui vous gêne ;
Jamais pour Théodat vous n’avez eu que haine,
Et cette aversion vous fait voir à regret
L’éclat brillant du rang où ce grand choix le met.

ILDEGONDE.

Un pareil sentiment te paroît condamnable ?
Plût au Ciel cependant que j’en fusse capable !
Je sentirois bien moins la rigueur de ce choix,
Si je le haïssais autant que tu le crois.

VALMIRE.

Du moins c’est par mépris que d’une âme jalouse
Vous voyez aujourd’hui que la Reine l’épouse,
Puis que de son amour la plus soumise ardeur
N’eut jamais le pouvoir de toucher votre cœur.

ILDEGONDE.

Si dans ses vœux offerts, la fierté qui me dompte…
Mais comment me résoudre à t’expliquer ma honte ?
Et que penseras-tu, si l’ennui qui m’abat
Vient, de me voir réduite à céder Théodat ?

VALMIRE.

Théodat vous plairoit lui qui sous votre empire
S’est vu cent et cent fois…

ILDEGONDE.

Étonne-t-en, Valmire.
Quoiqu’ait ce changement d’incroyable pour toi,
Tu n’en seras jamais si surprise que moi.
Je suis née en un rang où l’orgueil qui m’anime
Peut-être en le réglant eût été légitime ;
Mais à ses seuls conseils voulant avoir égard,
Je l’ai porté trop loin, et le connois trop tard.