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M’a-t-on vu reculer, ou d’une âme contrainte
Chercher dans le péril…

AMALASONTE.

Ce n’est pas là ma plainte.
Votre sang m’est d’un prix à qui tout doit céder,
Et c’est me servir mal, que de le hasarder.
Mais quand l’empressement de ma reconnoissance
N’a mis de vous à moi qu’un degré de distance,
Que d’honneurs en honneurs je vous ai fait monter
Presque au rang le plus haut qui pouvoit vous flatter,
Comme l’ingratitude est un défaut extrême,
Êtes-vous envers moi satisfaits de vous-même,
Et vous croyez vous être assez bien acquitté
De tout ce que de vous mes soins ont mérité ?

THÉODAT.

Par quel aveuglement pourrois-je le prétendre ?
Quoi que jamais pour vous ma foi puisse entreprendre,
Vos bienfaits sur ma vie ont jeté tant d’éclat,
Qu’il faudra malgré moi que je demeure ingrat.
J’en rougis en secret, et le vois avec peine ;
Mais, Madame, que peut un sujet pour sa Reine ?
Il doit tout ce qu’il fait, et par là ne fait rien.

AMALASONTE.

Qui cherche à s’acquitter, en trouve le moyen ;
Et quoi que les sujets des souverains reçoivent,
Il ne faut que le cœur pour payer ce qu’ils doivent.

THÉODAT.

Ah, si le cœur suffit, dans ce que je vous dois
Vous n’avez pas sujet de vous plaindre de moi.
Avec toute l’ardeur dont le mien est capable,
Je sers et veux servir une Reine adorable.
Pour prix du sort pompeux que vos bontés m’ont fait,
Qu’attendiez-vous de plus qu’un zèle si parfoit ?
Qu’un zèle à qui pour vous rien ne sauroit suffire ?

AMALASONTE.

Je suis fière, gardez de me le faire dire.