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THÉODAT.

Elle répand sur moi ce qu’elle a de plus doux,
Je m’en plaindrois à tort ; quelque faveur nouvelle
Affermit chaque jour ce que j’ai reçu d’elle ;
Mon destin tu le vois, n’a rien que d’éclatant,
Mais pour se croire heureux, il faut être content.
Non que je ne le sois du côté de la gloire,
J’ai toujours sur mes pas vu marcher la Victoire ;
Et si l’ambition pouvoit m’inquiéter,
J’obtiens plus que jamais je n’osai souhaiter.
Depuis que j’ai donné tous mes soins à la Reine,
C’est peu de partager la grandeur souveraine ;
Sa bonté va si loin, qu’elle me laisse voir
Que je puis écouter un téméraire espoir,
Et que pour voir bientôt ma tête couronnée,
Je n’ai qu’à m’enhardir, et parler d’hyménée.
Vois par là si mon sort doit faire des jaloux.

EUTHAR.

La Reine vous estime, et fera tout pour vous,
Son cœur à votre amour ne chercher qu’à se rendre.

THÉODAT.

Je n’en saurois douter, si je la veux entendre,
Elle n’en dit que trop ; mais plus que ses discours,
C’est de quoi ses regards m’instruisent tous les jours.
Tant d’ardeur y paroît, que souvent je me blâme
De n’aller pas assez au devant de sa flamme,
Et de chercher toujours à me faire un secret
D’un amour que je vois qu’elle étouffe à regret.

EUTHAR.

Je ne conçois pas bien quel scrupule vous gêne,
Quand vous n’osez répondre aux faveurs de la Reine.
Si parmi ses sujets elle prend un époux,
Son choix peut-il, Seigneur, mieux tomber que sur vous ? 40]
De mille exploits fameux le superbe avantage
Du peuple et des soldats vous attire l’hommage.
Déjà de Roi partout vous avez le pouvoir,
Ce grand nom vient s’offrir, il faut le recevoir.