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Le Chevalier

Ma peine a pour vous des appas,
Et plus vous connoissez que le malheur m’accable…

Le Marquis

Il est vrai, votre vie est gueuse et misérable.
Mais enfin sans appui, sans ressource, sans bien,
Vous devriez mourir, et vous n’en faites rien.
Est-ce ma faute ?

Le Chevalier

Au moins, si par le droit d’aînesse
Vous avez de grands biens, j’ai la même noblesse.

Le Marquis

Vous êtes Chevalier, mais quand il faut manger,
Votre Chevalerie est un mets bien léger,
Et souvent la mâchoire est fort mal occupée,
À qui n’a comme vous que la cape et l’épée.

Le Chevalier

Et la cape et l’épée auront toujours de quoi
Faire considérer des gens faits comme moi.
Jouissez de vos droits, l’aînesse vous les donne,
Je n’y demande rien.

Le Marquis

Vous me la baillez bonne.
Si dans votre chaumière il vous eût plu rester,
Votre part de cadet vous eût fait subsister ;
Mais on ne va pas loin avec petite somme.
Vous avez voulu faire ici le gentilhomme,
Et n’ayant plus de quoi, vous voilà sur le point
D’être franc parasite, ou de ne dîner point.
Gueusez, servez, volez, ce n’est point mon affaire.

Le Chevalier

J’ai fait quelque dépense, et cru la devoir faire.
Ma gloire étant la vôtre, il vous doit être doux…

Le Marquis

Mais Carlin que voici mouroit de faim chez vous,
Et s’il n’eût avec moi cherché ses avantages,
C’étoit fait de sa vie ainsi que de ses gages.