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Que saisi tout à coup d’une fureur extrême,
Pour vous couper passage, il est sorti lui-même,
Il n’a trouvé qu’Attale, avec qui les Romains
Par un fatal rencontre étoient venus aux mains.
Aux dépends de leur sang il se faisoit connoître,
Et remarquant le Roi, Vois si je suis un Traître,
A-t-il dit. À ces mots redoublant sa fierté,
Au milieu des Romains il s’est précipité.
C’est là que Prusias armé pour leur défense
A voulu s’opposer à cette violence.
Il les a secondés contre Attale, et d’abord
Sans savoir par quel bras on l’a vu tomber mort.
Pour venger cette perte aux Romains si fatale,
Ils s’animent l’un l’autre, enveloppent Attale,
L’arrêtent, et craignant quelques malheurs nouveaux,
Flaminius, dit-on, regagne ses vaisseaux.

Nicomède

Ô succès déplorable, ô perte trop amère !
Romains, qui me coûtez la vertu de mon Père,
Vous m’en ferez raison ; pour ce noble souci,
Donnez l’ordre, Seigneur, vous êtes maître ici.
ANNIBAL à Élise.
C’est trop, il ne faut plus que votre amour se cache,
Le Prince vous mérite, il est enfin sans tache ;
Prenez-le pour Époux, et dans tous vos desseins
Ayez pour seul objet la perte des Romains.
Après un trop long faste un jour viendra peut-être
Où ces Tyrans du monde adoreront un Maître,
Et tremblant sous le joug qu’ils m’osaient destiner,
Se soumettront aux lois qu’ils n’ont pu me donner,
Puissent-ils, attendant ce honteux esclavage,
Tourner contre leur sein leur plus sanglante rage,
Se déchirer l’un l’autre, et d’un acier fatal
Eux-mêmes s’immoler aux Mânes d’Annibal.

Élise

Aux mânes d’Annibal !

Annibal

Quoi, vous auriez pu croire
Que j’eusse pris si peu l’intérêt de ma gloire,