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Scène VI


Philippe, Érixène, Phénice, Suite.

philippe

Va, ris des vœux d’un père interdit et confus.
Phénice, il est donc vrai que mon fils ne vit plus.

phénice

Oui, Seigneur, et du Sort les plus dures menaces
N’ont fait suivre jamais de pareilles disgrâces.
J’étois dans le jardin quand une prompte horreur
Par un objet affreux s’empare de mon cœur.
Du Prince tout sanglant le spectacle funeste
Me fait craindre un forfait que mon âme déteste.
Je m’écrie, et tremblant à le voir aux abois,
À peine ai-je parlé qu’il reconnoît ma voix.
Il soupire, et faisant effort sur sa foiblesse,
"J’exécute, a-t-il dit, l’ordre de ma Princesse,
Et la mets en pouvoir de donner une foi
Qui n’auroit pu sans crime être à d’autres qu’à moi.
C’est le moins que je dusse au beau feu qui m’anime
Que rendre par ma mort son hymen légitime.
Je l’aimois chèrement ; mais malgré tant d’amour,
Qui n’en est plus aimé n’est plus digne du jour.
Du moins en la quittant j’ai la douceur de croire
Que si l’Envie encore ose attaquer ma gloire,
Elle repoussera ces bruits injurieux
Qui n’ont fait voir en moi qu’un Prince ambitieux.
Averti du poison qu’un père me prépare,
J’évitois par la fuite un ordre si barbare,
Et si pour les grandeurs mon cœur eût soupiré,
J’avois chez les Romains un asile assuré ;
Mais j’aurois de mon feu cru trahir la tendresse
Et j’eusse refusé ma vie à ma Princesse.