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ACTE V



Scène première


Érixène, Phénice.

phénice

Quoi, sans qu’à la pitié vous ayez pu vous rendre,
Vous avez de nouveau refusé de l’entendre,
Et je vois tout à coup chanceler ce courroux…

érixène

Souffre un peu de relâche à mon esprit jaloux ;
De mes feux mal éteints ma raison peu maîtresse
Eût peut-être à ses yeux exposé ma foiblesse.
Ses plaintes, ses soupirs auroient pu m’émouvoir,
Et pour fuir ce péril, j’ai dû ne le plus voir ;
Mais si de ce dehors la trompeuse apparence
Du courroux qui m’anime étale l’arrogance,
La fierté qui me livre à ses transports ardents,
Me peut-elle affranchir des troubles du dedans ?
Comme pour un grand cœur il n’est rien de si rude
Qu’un beau feu lâchement payé d’ingratitude,
D’abord sans voir l’abîme où nous portons nos pas,
Tout ce qui nous en venge est pour nous plein d’appas ;
Mais cette vive ardeur dont nous goûtons l’amorce,
Au point d’exécuter perd beaucoup de sa force,
L’Amour parle, et le cœur malgré tout son dépit
Se sent toujours forcé d’écouter ce qu’il dit ;
Non qu’à mes yeux du Prince il dérobe le crime,
Je vois de son orgueil quelle fut la maxime,
Et qu’en vain de sa foi j’oserois me flatter,
Si Didas pour sa fille eût voulu l’accepter,