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didas

Il en reste un, Seigneur, mais si dur, si fatal,
Qu’il vous seroit encor plus affreux que le mal ;
Moi-même j’en frémis quand je me le propose.

philippe

Ah, pour vivre sans Maître il n’est rien que je n’ose.
C’est trop voir les Romains pousser les Rois à bout,
Fais-m’en braver l’empire, et je consens à tout.

didas

Ce noble et juste orgueil n’offre qu’un choix à faire,
Pour être roi, Seigneur, il faut n’être plus père.
La saine politique a pour seul fondement
L’inébranlable ardeur de régner sûrement,
Et qui craint dans un mal une suite funeste,
Purge le mauvais sang qui corrompoit le reste.
Un fils à la Nature a beau servir d’objet,
Sitôt qu’il est coupable, il n’est plus que Sujet,
Et quand contre l’État Démétrius conspire,
Sa mort seule… mais quoi ? Votre cœur en soupire !
Je vous l’avois bien dit, le remède est affreux.

philippe

Souffre cette foiblesse en un Roi malheureux.
D’abord pour braver Rome, un mouvement sévère
M’a fait voir comme à toi cette mort nécessaire,
Mais de tant de rigueur tous mes sens indignés
Étouffant malgré moi…

didas

Servez donc, et craignez.
Pour conserver un fils il faut souffrir un Maître.

philippe

Tombe plutôt ce trône où le Ciel m’a fait naître.
Ce n’est plus ton péril que j’aime à repousser,
C’est l’affront d’obéir que je veux effacer.
Que me viens-tu donc dire, indiscrète Nature ?
Pour un indigne fils fais cesser ton murmure.
Pourquoi m’offrir des droits qu’il ne respecte pas ?
C’en est fait, j’ai ordonné l’arrêt de son trépas,