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Mais puisque ni devoir ni respect écoute…

démétrius

Pour l’écouter encor il m’en a trop coûté.
J’ai craint votre colère, et me forçois à feindre,
Mais qui vit sans espoir n’a plus rien de la craindre ;
Après avoir perdu ce qui fut tout mon bien,
Périsse l’Univers, je ne craindrai plus rien.
Ma Princesse rendoit ma gloire sans seconde,
Son cœur me tenoit lieu de l’empire du monde,
Et sa seule conquête offroit à mes désirs
De quoi remplir l’orgueil de mes plus fiers soupirs.
Cependant sur ma vaine et fausse obéissance
Didas de ce refus établit l’insolence ;
Il feint qu’il me dédaigne, et de sa trahison
Je pourrois balancer à me faire raison ?
Il saura l’imposteur…

philippe

Ah, c’est trop me contraindre,
Vous l’oser menacer, je vous le ferai craindre.
À moi, Gardes.

didas

Seigneur, où vous emportez-vous ?
Tout mon sang ne vaut pas l’éclat de ce courroux.
Le Prince est votre fils, et ce vif caractère
Qu’en secret la Nature imprime au cœur d’un père…

philippe

Ah, de quelques forts traits qu’il soit au mien tracé,
Par sa coupable audace il est trop effacé,
Je ne vois plus de fils où la noirceur du crime…

démétrius

Oui, le mien contre moi vous rend tout légitime,
J’arrache votre gloire à l’indigne projet
D’unir un sang auguste au sang le plus abject.
De ce mélange impur la honte repoussée
L’affranchit de l’affront où vous l’auriez forcée,
Et rompre un lâche hymen qui la devoit ternir,
C’est faire un attentat qu’on ne peut trop punir.