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Cet hymen arrêté rend ma disgrace extrême,
Mais je vous dois la vie enfin, & je vous aime ;
Et vois avec plaisir que mon cœur, en ce jour,
Ne peut fuir d’être ingrat, sans servir mon amour.

D. FERNAND.

Frappé, trop vivement, de ce grand coup de foudre,
Le mien s’étonne, tremble, & ne sait que résoudre ;
Mais enfin, je sai bien que mon cruel ennui
Ne redoublera point par le bonheur d’autrui.
Quelque époux qu’à choisir le devoir vous convie,
Il n’aura point ce nom que je ne sois sans vie ;
Et même avant ce coup, s’il me doit accabler,
Plus d’un rival, peut-être, aura lieu de trembler.

LÉONOR.

Quoi qu’il nous faille ici conduire avec prudence,
J’aime dans votre amour un peu de violence ;
Et, si j’en dois calmer les transports furieux,
Je ne saurois haïr ce qui le prouve mieux.

D. FERNAND.

Mais votre nom, enfin ? Faites que je le sache.

LÉONOR.

Quelque raison encor veut que je vous le cache.

D. FERNAND.

La réserve en est vaine à qui doit présumer
Que, sachant son logis, je puis m’en informer.

LÉONOR.

Dans un logis d’amie on a sû vous conduire,
De mon engagement j’ai crû devoir l’instruire ;
Et, si son avis est qu’on ne vous cache rien,
Peut-être, dès ce soir, vous me verrez au mien.

D. FERNAND.

Ainsi donc mon bonheur ne dépend plus que d’elle !

LÉONOR.

Je l’en croirai.
Je l’en croirai.[à Jacinte.]
Je l’en croirai.Va vite avertir Isabelle.