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érixène

Te le dirai-je, hélas ! D’abord j’en ai douté.
D’abord pour cet ingrat ma flamme intéressée
A vu dans Onomaste un Agent de Persée
Mais quand Antigonus par mon ordre amené
M’a confirmé l’avis qu’on m’en avoit donné,
Que lui-même excusant sa lâche obéissance,
De cet hymen pour lui m’a montré l’importance,
Tout ce qu’a de pressant la plus jalouse ardeur
Aux plus âpres transports a livré tout mon cœur.
Mille serments trahis par l’espoir qui l’anime
Pour aigrir ma colère ont redoublé son crime,
Et leur image offerte à mon ressentiment
Des plus noires couleurs m’a peint son changement.
S’il en eût craint l’affront, c’est par son seul silence
Qu’il auroit fait juger de son obéissance,
Et sa flamme aussitôt venant s’en plaindre à moi,
Eût démenti la honte où l’eût forcé le Roi ;
Mais pour gagner Didas, sa lâche politique
Veut que sa trahison aux yeux de tous s’explique,
Et qu’un indigne aveu lui fasse mériter
L’appui dont pour le trône il se laisse flatter.
Tandis qu’à soupirer ma fierté se ravale,
Il est, il est, Phénice, auprès de ma Rivale,
Et rit du vain courroux qu’il voudra présumer
Que son crime en mon cœur ait eu lieu d’allumer.

phénice

Montrer si peu de force à braver cet outrage,
C’est lui donner, Madame, un peu trop d’avantage,
Et ces ressentiments…

érixène

Daignes-en mieux juger.
Avec toi ma douleur aime à se soulager,
Mais ailleurs, les transports qu’irrite son offense ;
N’armeront contre lui que mon indifférence,
Et du moins mon orgueil n’en pouvant triompher,
Sous l’éclat du mépris saura les étouffer.