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persée

Seigneur, si ce qu’il craint…

philippe

Bornez-là votre plainte,
L’aigreur qui la soutient autorise sa crainte,
Et trop de pente à prendre un esprit soupçonneux
Éblouit votre haine, et vous trompe tous deux.
J’ai compris les raisons et de l’un et de l’autre,
Sans prendre son parti, ni m’attacher au vôtre,
Et comme entre deux fils j’aime à me partager,
C’est sur l’avenir seul que je prétends juger.
Vivez, et s’il se peut, qu’une amitié sincère
Du sang qui vous unit marque le caractère,
Et par ses plus doux nœuds épargne à mon courroux
La douleur de chercher un coupable entre vous.
La Nature l’ordonne, et je vous le demande.

démétrius

Vous plaire est le seul bien, Seigneur, où je prétende,
Et de cette union le charme m’est si doux
Que j’aurois fait pour moi ce que j’ai fait pour vous.

philippe

L’assurance m’en plaît, mais pour l’avoir entière,
Contre vous à l’envie ôtons toute matière.
Étouffons un soupçon qui dans tous vos desseins
Vous fait d’intelligence avecque les Romains.
De ces Tyrans des Rois la fière Politique
Fait révolter Didas contre leur République,
Épousez-en la fille, et pour vous et pour moi
Faites leur Ennemi garant de votre Foi.

démétrius

Je vous l’ai déjà dit, Seigneur, lorsque la paix rompue…

philippe

Faut-il vous l’ordonner de puissance absolue ?
Ne me résistez point ; au Prince, au Peuple, à tous,
Cet hymen seul a droit de répondre de vous.
Votre gloire sans lui par le crime est flétrie,
Je vous vois lâchement trahir votre Patrie,