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Mais comme avec le sang la vertu m’intéresse
À lui céder un trône acquis au droit d’Aînesse,
Ce même sang m’apprend à me montrer jaloux
De mériter l’honneur d’être sorti de vous.
Quant aux Romains, Seigneur, dont il veut prendre ombrage,
M’a-t-on vu demander à leur servir d’Otage.
Et si vers le Sénat vous m’avez député,
Ai-je de cet emploi brigué la dignité ?
Dans l’un et l’autre temps ma foi toujours sincère
N’a choisi pour objet que la gloire d’un père,
Et par vos ordres seuls ayant pris droit d’agir,
Ni pour vous ni pour moi je n’ai point à rougir.
Tant qu’avec eux la paix nous défendra les armes
Leur alliance offerte aura pour nous des charmes,
Mais si vous en rompez le nœud mal affermi
Ils trouveront en moi leur plus fier Ennemi.
De leur protection il n’est rien que j’attende ;
Qu’ils ne me nuisent point, c’est ce que je demande,
Et qu’un frère trop prompt à soupçonner ma foi
Ne prenne point chez eux des armes contre moi.
Si vous me condamniez, quelle que fût l’offense,
Ce seroit à lui seul à prendre ma défense,
Et c’est lui que je vois sur de faux attentats
Vouloir vous arracher l’arrêt de mon trépas.
Appelé sans savoir que j’eusse à me défendre,
Je n’ai pour y songer que le temps de l’entendre,
Tandis qu’à me noircir, et qu’à me déchirer
Sa haine industrieuse a su se préparer.
Hélas ! Dans ce malheur où seroit mon refuge,
Si tout autre que vous devoit être mon Juge ?
Contre un frère cruel qui veut trancher mes jours,
C’est un fils qui d’un père implore le secours.
Dans l’excès où sa rage a pu déjà paroître,
Que n’en craindrai-je point quand il sera mon Maître,
Et que sert qu’aujourd’hui l’on m’ose secourir,
Si par lui tôt ou tard j’ai toujours à périr ?