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Il l’expose à vos yeux l’âme encor toute émue,
Comme s’il ne formoit qu’une plainte imprévue,
Et que ces noirs complots dont il souille ma foi
Ne fussent pas des traits préparés contre moi.
Prince, si dès longtemps formant brigues sur brigues,
Je fais contre l’État de criminelles ligues,
Il falloit m’accuser de cette trahison
Avant qu’elle employât le fer et le poison.
Déjà pour m’en punir j’étois assez coupable
Sans que de cette nuit on y joignît la fable,
Mais pour mieux voir quel fruit j’en pourrois espérer,
Vous voulez tout confondre, il faut tout séparer.
Le grand titre d’aîné, le jugement d’un père,
Le droit des Nations, tout veut qu’on vous préfère,
Et pour en démentir l’aveugle choix du Sort,
Ma lâche ambition a juré votre mort.
Pourquoi donc m’imputer la coupable espérance
Dont l’appui des Romains flatte mon arrogance ?
Si jusqu’à faire un Roi vous portez leur crédit,
Qu’est-il besoin de crime où leur secours suffit ?
Est-ce afin que le trône ait plus de quoi me plaire,
Si j’en vois les degrés teints du sang de mon frère ?
Est-ce afin qu’auprès d’eux ce noir crime commis
M’ôte ce peu d’estime où la vertu m’a mis ?
Quintius qu’on me voit prendre partout pour guide,
M’aura-t-il conseillé cet affreux parricide,
Lui qui chérit son frère, et laisse à nos neveux
De l’union parfaite un exemple fameux ?
Pour m’élever au trône où mon orgueil aspire,
Vous voulez qu’à l’envi tout le monde conspire,
Et comme sans appui, pour unique recours,
Vous me faites du crime emprunter le secours.
Voyons-le tel qu’il est, où qu’on le fait paroître,
Ce crime qu’entre nous un père doit connoître.
On divise l’Armée, et d’une égale ardeur
Nous disputant le prix qu’on destine au Vainqueur.