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Le seul Démétrius est maître de leur foi,
Et déjà, vous régnant, ils l’appellent leur Roi.
Si l’indignation m’arrache quelque plainte,
De l’ardeur de régner j’ai soudain l’âme atteinte,
Chacun veut que ce crime ait pour moi des appas,
Et vous-même, Seigneur, ne m’en exemptez pas.
Mais à quoi cette ardeur et basse et criminelle,
Puisqu’au trône après vous ma naissance m’appelle ?
Vouloir pour y monter confondre tous les droits,
Renverser la Nature, anéantir les Lois,
Se faire une vertu d’un frère qu’on opprime ;
C’est là, Seigneur, c’est là ce qui s’appelle crime,
Et j’atteste les Dieux, si j’en prends quelque effroi,
Que je le crains pour vous beaucoup plus que pour moi.
Négligez ce péril où ma vie est réduite,
Détournez-en les yeux, mais voyez-en la suite,
Et songez, qu’où du sang on a brisé les noeuds,
Qui fait un parricide en peut commettre deux.

démétrius

Si je parois surpris, Seigneur, j’ai pour excuse
Et le genre du crime, et celui qui m’accuse.
Pour m’ôter tous moyens de vaincre mon malheur,
Il veut auprès de vous corrompre ma douleur,
Et de ses feints soupirs l’injurieuse amorce
Tâche en la prévenant d’en détruire la force.
Sur vous d’un faux péril il fait tomber l’effroi,
Pour faire agir par vous sa rage contre moi.
Quoi que fort du secours de ma seule innocence,
Pour moi du Monde entier il arme la puissance.
Et d’asiles partout il aime à se priver,
Pour empêcher qu’en vous je n’en puisse trouver.
Dieux, qu’il prend pour témoins des motifs de sa crainte,
Aidez ceux qu’il abuse à pénétrer leur feinte,
Et puisqu’à m’en purger je me trouve réduit,
Éclairez ce grand crime où j’ai choisi la nuit.