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J’en vois les droits partout honteusement trahis,
Il m’en faut être Juge, et c’est entre mes fils.
père trop malheureux qui, quoi que je me cache,
D’un crime dans mon sang ne saurois fuir la tache !
Un frère accuse l’autre, et le crime est douteux,
Mais l’effet m’en doit être également honteux.
Qu’il soit faux, qu’il soit vrai, la haine qui les guide
En fait pour moi toujours un lâche parricide.
Ou l’un d’eux aujourd’hui cherche à l’exécuter,
Ou l’autre le commet en l’osant inventer,
Et ma gloire ne peut qu’elle ne soit ternie,
Ou par son attentat, ou par sa calomnie.
Voilà ce que j’ai craint de ces dissensions
Dont l’aigreur soutenoit toutes vos actions ;
Mais comme il en est peu que le temps n’adoucisse,
J’ai cru qu’au sang enfin vous rendriez justice,
Et qu’après les avis que je vous ai donnés,
Vous n’oublieriez jamais ce que vous êtes nés.
Combien de fois, hélas ! Vous ai-je fait comprendre
Quels biens de la concorde on a sujet d’attendre ?
C’est par là que deux Rois avecque tant d’éclat
De Sparte si longtemps ont gouverné l’État,
Que d’un zèle pareil la conduite admirable
À ses plus fiers Voisins l’a rendu redoutable,
Et que ce même État n’a pu se maintenir
Dès que l’ambition a su les désunir.
Combien ai-je tâché de prévenir vos haines
Par l’exemple fameux et d’Attale et d’Euménès,
Que la concorde seule, où tous deux je les vois,
A faits aussi puissants qu’Antiochus, ou moi !
Honteux du nom de Rois qu’à peine ils vouloient prendre,
Ils ont droit aujourd’hui d’oser tout entreprendre ;
Et s’il faut mêler Rome aux autres Nations,
Voyez les Quintius, voyez les Scipions.
Dans l’éclat immortel qui suivra leur mémoire
De leur noble union voyez briller la gloire ;