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Mais gardez qu’en secret la pente où je vous vois
Contre Démétrius ne séduise un grand Roi.
Peut-il trouver en vous un Juge favorable
Si déjà sans l’ouïr vous le croyez coupable ?
Je sais que vos soupçons condamnent justement
Ce que pour les Romains il a d’attachement ;
Mais c’est pousser trop loin la fierté qui le guide
Que de la faire aller jusques au parricide.
Il est aimé du Peuple, et peut-être en ces lieux
Qui s’en peut faire aimer fait bien des envieux.

philippe

Quoi ? Tu ne veux pas voir qu’une ardeur criminelle
L’engage de ce Peuple à corrompre le zèle,
Et lui fait publier que rompant mes desseins
Lui seul l’a garanti des armes des Romains ?
Sur ce bruit qu’à semer son orgueil se hasarde
Pour son Libérateur je vois qu’on le regarde,
On le suit, on l’honore, et depuis son retour
À mes yeux à l’envi chacun lui fait sa cour ;
Mais à ce charme en vain ils aiment à se rendre
La guerre leur fait peur, et je veux l’entreprendre.
C’est trop, c’est trop rougir du joug impérieux
Qu’impose aux Souverains un Peuple ambitieux.
Il est temps de résoudre, et de parler en Maître,
Un Roi qui peut céder n’est point digne de l’être,
Et prêt à souffrir tout des plus fiers Ennemis,
Le trône a plus d’éclat renversé que soumis.

antigonus

Ces sentiments sont grands, mais si comme l’on pense
Démétrius à Rome a de l’intelligence,
Doutez-vous que par lui le Sénat averti…

philippe

Nous forcerons l’Ingrat à prendre enfin parti.
Il faut sur un hymen à l’État nécessaire
Qu’il renonce aux Romains, ou s’arme contre un père,
Et si par son refus il s’y montre attaché,
Nous n’aurons plus du moins un Ennemi caché.