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Scène III


Persée, Érixène, Phénice.

persée

Et bien, Madame, enfin un orgueil inflexible
Vous rendra-t-il toujours à mes maux insensible,
Et d’un feu si constant l’infatigable ardeur
N’aura-t-elle aucun droit de toucher votre cœur ?

érixène

Si le Ciel laisse en nous cette ardeur volontaire,
On doit n’aimer, Seigneur, qu’autant qu’elle peut plaire,
Et s’il contraint nos cœurs, ne m’accusez de rien ;
Comme il force le vôtre, il peut forcer le mien.

persée

Ah, n’autorisez point ce mépris de ma flamme
Par ce que prend le Ciel d’empire sur une âme.
Je sais bien que l’Amour à vaincre intéressé,
Quand il occupe un cœur, n’en peut être chassé,
Mais bien loin que d’en haut l’ordre nous violente,
Il ne le surprend point que ce cœur n’y consente.
C’est par son seul aveu qu’on se laisse enflammer
Et l’on est toujours libre à commencer d’aimer.

érixène

S’il en est ainsi, Seigneur, que vous le voulez croire,
De cette liberté ne m’ôtez pas la gloire,
Et souffrez qu’à mon choix on me voie ordonner
Du seul bien que les Dieux semblent m’abandonner.
La Thrace où je naquis par vos armes conquise
Rend ma triste fortune à cet État soumise,
Et dans un sort si dur, ce m’est quelque douceur
Que je puisse du moins disposer de mon cœur.