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Et ne me plaindre pas de tout ce que je vois
C’est redoubler l’aigreur qui l’arme contre moi.
Démétrius jaloux du trône de mon père
Ne peut voir sans fureur que l’âge m’y préfère,
Et le titre d’Aîné qui m’acquiert ses États,
Est un crime trop grand pour ne m’en punir pas.
Dès hier, dans ce Spectacle où l’on voit chaque année
Du parti du Vainqueur l’adresse couronnée,
Si le mien n’eût cédé, son transport violent
D’un combat de plaisir en eût fait un sanglant.
Dans le festin qu’ensuite en triomphe il ordonne,
M’y croyant attirer, il veut qu’on m’empoisonne,
Et sûr par mes refus qu’on m’a de tout instruit,
Enfin à force ouverte il vient chez moi de nuit.

didas

Seigneur, je connois trop avec quelle contrainte
Vous laissez contre un frère échapper votre plainte,
Et lorsqu’en mon secours vous cherchez quelque appui,
Je ne refuse point de parler contre lui.
Mon zèle seroit faux s’il craignoit de paroître
Pour celui que les Dieux me destinent pour Maître,
Et toujours prêt pour vous à signaler ma foi,
Puisque vous l’ordonnez, j’irai trouver le Roi ;
Mais dans les mouvements et de haine et de rage
Où l’ardeur de régner pousse un jeune courage,
Quoi que Démétrius vous force à redouter,
Examinez la suite avant que d’éclater.
Il n’est plus de milieu s’il faut qu’on se déclare ;
Chacun n’écoutera qu’une fureur barbare,
Et le sang qui vous joint ne servant qu’à l’aigrir,
Si vous ne le perdez il vous faudra périr.
De ces inimitiés la rage trop avide
Vole sans s’étonner au plus noir parricide,
Et pour en assouvir la brûlante fureur,
Les plus sanglants effets n’ont point assez d’horreur.