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Pensez-vous que le Peuple, aveugle dans son sort,

Pour souffrir cet Hymen en crût votre rapport ?

Glaucias qui d'ailleurs prendra part à l'injure

Nommera cet échange artifice, imposture,

Et d'un Prince qu'il aime embrassant l'intérêt, [1935]

Le croira ce qu'il fut, et non pas ce qu'il est.

Ainsi je vois la guerre en état de renaître,

Je paraîtrai tyran quand je cesse de l'être,

Et parmi nos Mutins cent soupçons différents

Me feront usurper le trône que je rends. [1940]

GÉLON

Si Pyrrhus à trouver vous donne quelque peine,

L'échange est vrai, Seigneur, je le sais de la Reine.

DÉIDAMIE

Quoi, ma Mère, Gélon...

GÉLON

Elle m'a tout appris,

Je sais d'elle en secret qu'Hippias est son fils,

Que c'est lui seul qu'au trône appelle sa naissance. [1945]

NÉOPTOLÉMUS

La Reine, nous dis-tu, t'en a fait confidence ?

Qui la fit s'expliquer ?

GÉLON

La crainte qu'à son Roi

Quelque jour Androclide osât manquer de foi.

Pour assurer un Sort dont il eût été maître

Elle me confia ce que je fais connaître, [1950]

Et crut, nous ayant vus de tout temps ennemis,

Mettre en de sûres mains le secret de son fils.

Par ses ordres, Seigneur, vous m'avez vu sans cesse

Vous conseiller pour lui l'hymen de la Princesse.

On arrêta la paix, Pyrrhus vous fut rendu, [1955]

Cependant le secret demeura suspendu.

Je vis, malgré l'accord, votre âme irrésolue

À vouloir partager la puissance absolue.

Ayant cent fois pour lui fondé vos sentiments,

J'ai craint de votre amour les vifs emportements. [1960]