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Et jamais à mes voeux rien ne parut si doux

Que de voir vos refus m'attirer son courroux.

Pour lui ravir l'espoir ma prison m'était chère, [1285]

La mort même à ce prix n'aurait pu me déplaire,

Et cependant, hélas ! Cette ombre de bonheur

N'a fait qu'accroître un mal qui m'arrache le coeur,

Que plonger ma raison dans un plus noir abîme.

DÉIDAMIE

L'hymen où je m'apprête en expiera le crime, [1290]

Et quand je hais le Roi, l'accepter pour Époux...

HIPPIAS

Ah, sans rien éclaircir que ne l'épousiez-vous !

Si toujours ma disgrâce en eût été mortelle,

Vous m'auriez épargné du moins la plus cruelle,

Et j'aurais eu la joie, en renonçant au jour, [1295]

De croire votre coeur insensible à l'amour.

Mais pour comble de maux on me force à connaître

Qu'Hippias de ce coeur a su se rendre maître,

Que l'hymen dont l'horreur faisait trembler vos voeux,

Quand vous craignez pour lui, n'a rien pour vous d'affreux [1300]

Qu'à quelque excès d'ennuis...

DÉIDAMIE

Vous avez lieu de croire

Que le sang a dû seul intéresser ma gloire,

Qu'avoir livré le vôtre à ce brûlant courroux...

HIPPIAS

Non, ce n'est point par là que je me plains de vous.

Contre moi du tyran rallumez la colère, [1305]

Pour vivre toute à vous laissez périr un frère,

Abandonnez ce sang qu'il voulait s'immoler ;

Pour vous avec plaisir je le verrai couler.

Mais pour remettre un peu ma constance abattue

N'aimez point, s'il se peut ; c'est là ce qui me tue, [1310]

C'est de là que pour moi d'impétueux transports

Pour une seule mort font naître mille morts ;