Si prêt de voir Pyrrhus à votre sang uni
Par cet affreux revers j'en étais moins puni.
La Princesse Antigone à ses désirs acquise
Est l'adorable objet dont mon âme est éprise ;
L'Amour pour elle seule a mon coeur enflammé, [1115]
Point de mérite ailleurs qui m'ait jamais charmé,
Qui m'ait jamais contraint à plus que de l'estime,
Faites le châtiment, je vous ai dit e crime.
Par ces déguisements achève de hâter
L'éclat de la vengeance où tu m'oses porter. [1120]
Dieux, quand le sang du fils la pouvait satisfaire,
Pourquoi m'engagiez-vous à devoir tant au père ?
Pourquoi...
Non, non, Seigneur, c'est douter de ma foi.
Meure cent fois ce fils s'il peut nuire à mon Roi.
Que moi-même...
Seigneur, oublieriez-vous ce zèle ? [1125]
Ô Roi, vraiment heureux d'un Sujet si fidèle !
Trop malheureux pourtant de connaître aujourd'hui
Qu'il soit père d'un fils si peu digne de lui !
Avant que contre moi l'erreur soit affermie,
De grâce, oyez, Seigneur, parler Déidamie, [1130]
Et si par son aveu mon crime est confirmé...
Qu'en pourrais-je obtenir contre un Amant aimé ?
Voudrait-elle trahir un secret qu'il déguise ?
Du moins elle aura peine à cacher sa surprise,
Et c'est par là d'abord que vous pourrez juger [1135]
D'un amour dont son coeur tremble à se dégager.
Non qu'avant qu'elle avoue un feu si téméraire
Il soit rien qu'à me nuire épargne sa colère
Pour voir ma foi suspecte, et mon zèle noirci,
Tout ce qui peut tomber... mais, Seigneur, la voici. [1140]