Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée


Que pour lui contre vous l'orgueil s'est confirmé,

Et qu'on vous aimerait s'il n'était point aimé.

PYRRHUS

Que dites-vous, Seigneur ? Moi...

ANDROCLIDE

Je n'ai rien à taire [1085]

Puisque l'on m'accuse...

PYRRHUS

Ô Dieux ! Est-ce mon père !

Est-ce lui que j'entends...

ANDROCLIDE

Non, ingrat, et mon coeur

Ne connaît point de fils en qui m'ôte l'honneur.

Voilà, voilà l'effet de cette aveugle flamme

Dont les charmes secrets ont trop flatté ton âme. [1090]

Combien, lâcher, combien t'ai-je fait pressentir

Ce qu'un crime pareil traîne de repentir ?

Combien ai-je voulu t'apprendre à te connaître,

À respecter l'amour et le choix de ton maître,

Sans que mon triste coeur de ta gloire jaloux [1095]

Ait pu forcer le tien à vaincre son courroux ?

J'ai bien plus fait, Seigneur, Je l'ai laissé prétendre

À l'honneur éclatant de se voir votre Gendre,

Et craint de votre haine un revers moins fatal

À l'orgueil d'un Sujet qu'à l'espoir d'un rival ; [1100]

Mais ni l'appas flatteur d'un sort si plein de gloire,

Ni la menace...

NÉOPTOLÉMUS

Hélas ! Que n'a-t-il pu te croire ?

Mon bonheur eût bientôt cessé d'être incertain

Si ma fille n'eût eu qu'à lui donner la main.

Mais l'ingrat aime ailleurs, et du coeur où j'aspire... [1105]

PYRRHUS

Androclide, Seigneur, a pouvoir de tout dire,

Et quoi que son aveu vous force à m'imputer,

C'est mon père qui parle, et je dois l'écouter.

Mais le Ciel m'est témoin que de quoi qu'on m'accuse,

Ma témérité seule aurait besoin d'excuse, [1110]