Mais en les violant ne souffrez pas qu'on dise
Que l'offre de ma main fut une perfidie,
Et que vous ayant fait le maître de son sort
C'est moi, c'est cet appas qui le livre à la mort. [960]
Du fils d'AEacidès rejetez l'alliance,
Mais que chez Glaucias il vive en assurance,
Et qu'au moins ce revers qui presse mon secours
À son premier destin rende les tristes jours.
En vain à l'épargner vous croyez me contraindre. [965]
Je respecte l'Accord, je rougis de l'enfreindre,
Mais je ne puis souffrir qu'avec impunité
Pyrrhus ose abuser de ma facilité.
Je lui donne ma fille, et quand je puis prétendre
Qu'il fléchisse sa soeur, qu'il la force à se rendre, [970]
Son orgueil dédaignant tout ce qu'il tient de moi,
À l'affront d'un refus abandonne ma foi.
Non, non, point de milieu, point d'autre choix à faire ;
Ou la main de la soeur, ou la tête du frère,
J'attends ce qu'on résout.
Oserais-je à mon tour [975]
Vous conjurer, Seigneur, d'en moins croire l'amour ?
Si souvent de nos coeurs malgré nous il dispose,
Cent fois l'aversion a fait la même chose.
Un principe secret d'aimer ou de haïr...
Qui ne sait point aimer doit savoir obéir, [980]
Et si pour moi Pyrrhus faisait ce qu'il doit faire...
N'étant pas encor Roi, que peut-il comme frère ?
Tout, s'il s'intéressait à soutenir ma foi ;
Au trône, hors du trône il est toujours son Roi.
Mais par où présumer qu'il trompe votre attente ? [985]
Qu'au lieu de l'adoucir...