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Mais en les violant ne souffrez pas qu'on dise

Que l'offre de ma main fut une perfidie,

Et que vous ayant fait le maître de son sort

C'est moi, c'est cet appas qui le livre à la mort. [960]

Du fils d'AEacidès rejetez l'alliance,

Mais que chez Glaucias il vive en assurance,

Et qu'au moins ce revers qui presse mon secours

À son premier destin rende les tristes jours.

NÉOPTOLÉMUS

En vain à l'épargner vous croyez me contraindre. [965]

Je respecte l'Accord, je rougis de l'enfreindre,

Mais je ne puis souffrir qu'avec impunité

Pyrrhus ose abuser de ma facilité.

Je lui donne ma fille, et quand je puis prétendre

Qu'il fléchisse sa soeur, qu'il la force à se rendre, [970]

Son orgueil dédaignant tout ce qu'il tient de moi,

À l'affront d'un refus abandonne ma foi.

Non, non, point de milieu, point d'autre choix à faire ;

Ou la main de la soeur, ou la tête du frère,

J'attends ce qu'on résout.

ANTIGONE

Oserais-je à mon tour [975]

Vous conjurer, Seigneur, d'en moins croire l'amour ?

Si souvent de nos coeurs malgré nous il dispose,

Cent fois l'aversion a fait la même chose.

Un principe secret d'aimer ou de haïr...

NÉOPTOLÉMUS

Qui ne sait point aimer doit savoir obéir, [980]

Et si pour moi Pyrrhus faisait ce qu'il doit faire...

ANTIGONE

N'étant pas encor Roi, que peut-il comme frère ?

NÉOPTOLÉMUS

Tout, s'il s'intéressait à soutenir ma foi ;

Au trône, hors du trône il est toujours son Roi.

ANTIGONE

Mais par où présumer qu'il trompe votre attente ? [985]

Qu'au lieu de l'adoucir...

NÉOPTOLÉMUS