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Néoptolémus, Pyrrhus se croyant Hippias, Antigone, Gélon
ANTIGONE

Seigneur, si le respect que je dois à mon père

Me permet de combattre un arrêt trop sévère,

Souffrez que pour Pyrrhus, dans des maux si pressants, [935]

J'appelle à vos bontés des ennuis que je sens ;

Non que votre courroux n'ait une juste cause,

Mais enfin au traité vous devez quelque chose,

Et ce noble triomphe où vous porte ma foi,

Ne serait pas peut-être indigne d'un grand Roi. [940]

NÉOPTOLÉMUS

Si je livre Pyrrhus aux traits de ma vengeance,

J'ai mes raisons, ma fille, et j'en vois l'importance,

Et mettre en sa faveur ces sentiments au jour

C'est peut-être en vouloir trop tôt croire l'amour.

ANTIGONE

L'amour n'a rien pour lui que je ne pusse croire [945]

Sans blesser ma vertu, sans hasarder ma gloire.

Sur vos ordres, Seigneur, il a pu m'éblouir.

Et si j'aime Pyrrhus je ne fais qu'obéir ;

Mais ce n'est pas ce soin dont l'intérêt me presse,

De ces impressions je dois être maîtresse, [950]

Et quand mon coeur pour lui cherche à vous émouvoir,

Je ne demande rien qui flatte son espoir.

Je sais trop qu'un monarque incessamment s'applique

À suivre en tout l'exacte et saine Politique,

Et qu'aux lois de l'Accord vous voudriez céder [955]

Si le bien de l'État pouvait vous l'accorder ;