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Joint à ce premier feu des sentiments trop doux

Pour souffrir que jamais elle règne sans vous.

PYRRHUS

Quoi, pour un attentat si rempli d'infamie

Je suis d'intelligence avec Déidamie,

Et vous la soupçonnez d'assez de lâcheté... [875]

ANTIGONE

J'ai tort de condamner son illustre fierté.

Laisser périr Pyrrhus plutôt que de se rendre,

C'est remplir tout l'orgueil qu'on en devait attendre.

Le sang d'un frère est peu pour ne le pas donner.

PYRRHUS

Son refus à ce prix ne peut trop m'étonner, [880]

Et l'espoir dont le charme à tant d'orgueil l'anime

Est un secret pour nous où la raison s'abîme ;

Mais...

ANTIGONE

Non, non, Hippias, des effets trop certains

Vous mettent hors d'état de cacher vos desseins.

Où l'éclat qu'ils font parle, en vain on se veut taire, [885]

Et comme enfin la cause en peut être moins claire,

Si quelque espoir vous reste encor de m'abuser,

C'est elle seulement qu'il vous faut déguiser.

Dites-moi qu'en pressant cette soeur trop injuste

D'oser honteusement trahir un sang auguste, [890]

Si votre effort au sien s'y fait paraître égal,

C'est moins pour l'acquérir que pour perdre un rival ;

Que le pressant ennui de me voir sa conquête

Vous a fait de Pyrrhus sacrifier la tête ;

Qu'un fidèle sujet pour être heureux Amant... [895]

PYRRHUS

D'un soupçon si honteux où va l'aveuglement ?

Ce que mes soins de vous ont mérité d'estime

Vous soumet-il un coeur où puisse entrer le crime,

Et vous osez aimer, est-ce un orgueil si bas

Qu'il reste compatible avec les attentats ? [900]

Madame, à cet orgueil rendez plus de justice.

Voir son rival heureux est le dernier s