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Scène I

Antigone, Pyrrhus se croyant Hippias
ANTIGONE

Ce changement n'a rien qui vous doive déplaire,

Pyrrhus à vos desseins se fût rendu contraire [850]

C'est vous avoir servi que l'avoir arrêté.

PYRRHUS

Madame, pardonnez à ma stupidité.

L'outrage qu'on lui fait me tient l'âme gênée,

Tout mon rival qu'il est je plains sa destinée,

Son malheur m'épouvante, et quoi qu'il me soit doux [855]

Que ce revers l'arrache à l'espoir d'être à vous,

Quand je vois un grand Prince avec tant d'injustice

Trouver aux pieds du trône un fatal précipice,

Tout mon coeur se révolte, et mon esprit confus...

ANTIGONE

Je crois que vous plaignez le destin de Pyrrhus, [860]

Mais c'est pour adoucir assez ce qui vous gêne

Que voir Déidamie en état d'être Reine ;

Pour peu que vos désirs se daignent expliquer

Le Sceptre qui l'attend ne vous peut plus manquer.

Pour monter sur le trône en vain le Roi la presse, [865]

L'amour qu'elle a pour vous l'en veut rendre maîtresse,

Elle a trop de vertu pour n'en pas bien user,

Et ce qu'elle vous doit pour ce zèle sincère

Qui lui vaut la douceur de voir périr un frère, [870]