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Quelque division qui nous laisse ennemis,

Vous voyez qu'il s'attache à ce coupable fils,

Par lui seul de Pyrrhus la perte est résolue.

ANTIGONE

Quoi, Gélon...

ANDROCLIDE

Oui, le Roi par lui seul l'a conclue. [810]

Quand tout saisi d'horreur à ce funeste arrêt,

J'ai du Prince à ses yeux embrassé l'intérêt,

Qu'avec tant de chaleur parlant pour sa défense,

De cette mort au Roi j'ai fait voir l'importance,

Gélon, qu'un même zèle avait droit d'étonner, [815]

Sans rien dire pour lui l'a laissé condamner.

ANTIGONE

Ah, quoi que de ce fils le crime vous accable,

Vers nous ainsi que lui vous en êtes coupable.

C'est peu d'avoir blâmé ce qu'il mettait au jour,

Il fallait, il fallait empêcher son amour, [820]

Repousser une ardeur...

ANDROCLIDE

Hélas ! Qu'ai-je pu faire

Que n'ait pour l'étouffer employé ma colère ?

Vous avouerai-je plus ? Après tout ce courroux

J'osai porter son coeur à soupirer pour vous.

Pour l'arracher aux lois d'un trop injuste Empire, [825]

D'un succès glorieux je flattai son martyre,

Il vous rendit des soins, il vous offrit des voeux,

Cent fois ses feints transports me l'ont fait croire heureux,

Cent fois il m'a juré qu'aimé de sa Princesse,

De la soeur de Pyrrhus il plaignait la faiblesse, [830]

Qu'elle n'avait sur lui qu'un pouvoir usurpé.

Cependant je vois trop que l'Ingrat m'a trompé,

Que pour Déidamie il est de tout capable.

Jugez par là, jugez d'un père déplorable

Il faut sauver Pyrrhus, et c'est ce qu'on ne peut. [835]

Sans exposer un sang pour qui le mien s'émeut.