essaire,
Qu'il ne faille à son sang ajouter tout le mien ; [775]
Mais les plus noirs forfaits pour régner ne sont rien.
Un Sceptre est toujours beau, quelque prix qu'il nous coûte.
Ah, si vous m'enviez le repos que je goûte,
Que vous connaissez peu, dans mes tristes ennuis,
Le déplorable état où mes jours sont réduits ! [780]
Ces ennuis cachent mal ce qu'en vain on veut taire.
Jamais soeur à la mort n'osa livrer son frère,
Et quand Déidamie abandonne le sien,
L'Amour doit tout pouvoir où le sang ne peut rien.
Elle aime votre fils, et croit...
Et bien, Madame, [785]
Il vous faut là-dessus ouvrir toute mon âme,
Et laisser voir enfin si j'ai part aux refus
Dont l'audace à la mort semble livrer Pyrrhus.
Du motif qui la pousse à tant d'ingratitude
Vous avez le soupçon, j'en ai la certitude. [790]
Oui, ce feu dans son coeur n'est que trop allumé,
Elle adore mon fils, mon fils en est charmé.
L'ardeur de s'assurer les droits de la Couronne
Lui cache l'infamie où l'amour l'abandonne,
Et l'accord que ses soins ont eu l'art d'arrêter, [795]
Préparait les malheurs qui viennent d'éclater,
Si la mort de Pyrrhus flatte son arrogance,
Ses jours chez Glaucias étaient en assurance,
En ces lieux, pour l'y perdre, il fallait l'attirer,
Et c'est ce que la paix lui laissait espérer. [800]
J'avais prévu ce mal, et si j'ose le dire,
Dans le coeur de mon fils ma crainte avait su lire.
Et tâché, mais en vain, d'étouffer un amour
Qui lui pouvait coûter, et sa gloire, et le jour.
Hors d'espoir de m'en faire appuyer l'injustice, [805]
Il a gagné Gélon, il l'a fait son complice ;
