Et c'est ce qui me charme ; après ta trahison,
Qu'il faille que soudain tu t'en fasses raison, [720]
Et que le juste Ciel t'ait rendu nécessaire
De voir périr ton fils, ou voir régner mon frère,
Choisis, lâche.
Ce choix me doit remplir d'effroi
Quand sa rigueur vous aide à triompher de moi,
Mais de quoi qu'il vous flatte en l'état où vous êtes, [725]
Ce triomphe n'est pas si doux que vous le faites,
Et son charme à vos maux offre un triste secours,
S'il doit vous en coûter le repos de vos jours.
Pour dérober ce frère au foudre qui s'apprête,
Il faut que d'un tyran vous soyez la conquête, [730]
Qu'aux douceurs d'un beau feu votre coeur arraché
Sente à jamais l'horreur de s'en voir détaché ;
Que l'ennui que sans cesse elle y fera renaître,
Comble...
Si tu le crois, tu m'as su mal connaître.
Quand le Ciel pour mon frère aura rempli mes voeux, [735]
La gloire d'être Reine est tout ce que je veux.
Par l'ordre de ma Mère, en mourant, abusée,
En faveur de ton fils je l'aurais méprisée,
L'honneur d'avoir porté le grand nom de son Roi,
L'avait déjà su rendre assez digne de moi, [740]
Cru ce qu'il n'était pas, il méritait de l'être,
Il en a les vertus, mais il est fils d'un traître.
Par ce titre odieux sa gloire le détruit,
Et telle est à mes yeux la honte qui le suit,
Qu'épouser un tyran, m'unir à sa Famille, [745]
Me plaît mieux que l'affront de devenir ta fille.
Après ce franc aveu, délibère et résous.
Chacun a ses revers, il en sera pour vous,
Et peut-être à mon tour je saurai vous contraindre...
Malgré l'amour du Roi cherche à me faire craindre.