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Après ce grand effort je vous entends, Madame, [585]

Quand au secours du temps vous remettez ma flamme,

Et connais trop qu'en vain j'ai cru voir quelque jour

À me rendre par là digne de votre amour.

Aussi mon triste espoir n'a plus rien à résoudre,

Votre réponse encor suspend l'éclat du foudre, [590]

Vous pouvez l'arrêter, mais quels qu'en soient les coups,

S'ils accablent Pyrrhus, n'en accuser que vous.

DÉIDAMIE

Va, lâche, ne crois pas pour rétablir ce frère

Être digne du bien que ton amour espère.

Si le nom de tyran t'a donné quelque effroi, [595]

Tu ne l'es plus pour lui, mais l'es-tu moins pour moi ?

Ce coeur que ton pouvoir s'efforce de surprendre

N'est pas d'un moindre prix qu'un Sceptre qu'il faut rendre.

Ainsi toujours tyran, toujours Usurpateur...

NÉOPTOLÉMUS

La tyrannie est noble à s'acquérir un coeur. [600]

C'est ce prix éclatant que je connais au vôtre

Qui m'en fait préférer la conquête à toute autre,

Celle du Monde entier m'offrirait moins d'appas,

Et pour m'expliquer mieux si l'on ne m'entend pas,

Il ne vous reste plus que ce seul choix à faire, [605]

Ou recevoir ma main, ou voir périr un frère.

Prononcez, vos refus sont l'arrêt de sa mort.

DÉIDAMIE

Dieux, à quelles rigueurs réserviez-vous son sort ?

C'était peu qu'un tyran lui volât sa Couronne,

Il faut que de son sang le Parricide ordonne, [610]

Et qu'en le répandant il fasse soupçonner...

NÉOPTOLÉMUS

Par ces mots odieux cherchez à m'étonner.

Si l'ardeur de mon feu, si l'excès de ma peine

Doit n'obtenir de vous que mépris et que haine,

Par tout ce que produit une juste fureur, [615]

Il m'importera peu d'en mériter l'horreur.

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